V. Denis: Une histoire de l’identité: France

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Titel
Une histoire de l’identité: France, 1715–1815.


Autor(en)
Denis, Vincent
Erschienen
Seyssel 2008: Champ Vallon
Anzahl Seiten
462 p., ill.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Frédéric SARDET, Archives de la Ville de Lausanne

«Nom, profession, origine?»: qui n’a jamais été soumis à un interrogatoire faisant appel à cette trilogie? Ces composants qu’on pourrait dire élémentaires constituent le noyau dur de l’identification sociale dans les sociétés d’ancien régime. Longtemps inscrits dans l’oralité, ils vont être combinés à des supports écrits. Cette innovation anodine, retravaillée et affinée, est la source d’une transformation durable et structurante de nos sociétés.

Vincent Denis a choisi d’explorer les conditions pratiques de cette transformation entre Régence et premier Empire. Passeports, cartes, livrets, registres centraux, mesures contre la falsification (filigrane, encres), conditions d’émission des certificats et de tenue des registres sont au coeur d’une analyse structurée en quatre parties: les instruments de l’identification (notamment le signalement), la «galaxie» des agents publics de l’identification, les conditions pratiques de l’identification en fonction de différents groupes (soldats et déserteurs, marginaux, urbains et étrangers, cadavres) et enfin, les comportements adaptatifs des populations identifiées.

A mille lieues des analyses théoriques du politique ou du juridique, Vincent Denis participe à l’écriture d’une histoire ancrée dans la matérialité des supports et des procédures administratives, alimentée par la fréquentation des archives. Son écriture fortement structurée, quasi systématisée (question – analyse factuelle – conclusions ponctuelles – synthèse) n’est pas de celles qui enthousiasment par leur brio ou leur prise de parti. Non, il s’agit d’un doctorat d’historien qui ne sort pas de son sujet. Selon la bonne formule: le sujet, tout le sujet, rien que le sujet. Pourtant, l’enjeu politique contemporain de la réflexion pouvait laisser imaginer (espérer) quelques dérogations à la neutralité axiologique. Pas un mot.

L’analyse en revanche fonctionne comme un rouleau compresseur: précise, ponctuée voire gorgée d’exemples. Ceux-ci scandent un discours si nuancé qu’une lecture sans note est à déconseiller au risque de ne plus savoir s’il faut ou non retenir les «continuités», les «inflexions», les «renforcements» ou les «transformations».

Au terme de ce livre très dense, retenons notamment l’effort pour construire une périodisation qui n’oppose pas ancien régime et révolution, mais souligne la continuité d’un système d’identification entre Régence et Empire. Il faut également retenir que la question de l’identification portée par les administrateurs de tout poil ne saurait s’analyser par le seul prisme des populations dites mobiles mais font corps avec le contrôle des populations urbaines et le monde du travail salarié. Il montre aussi l’impact des ajustements administratifs, des petites innovations techniques pour améliorer les conditions d’identification, y compris dans d’obscures officines provinciales. D’une certaine manière, Vincent Denis fait le portrait d’une préhistoire du records management, qu’il qualifie de savoir administratif autonome et malléable, un savoir d’Etat, irréductible donc aux transformations du politique mais fondé sur le poids social d’une classe de commis lettrés au service des institutions de contrôle et qui valorise la «culture écrite». Cette conclusion est une invitation à conduire des études prosoprographiques sur ces personnels dont l’auteur note qu’ils ont souvent surmonté les changements politiques pour maintenir et asseoir leur idéologie de papier, qui fonctionne telle une couche superposée à l’antique pratique de l’aveu et de l’interconnaissance, et sur laquelle se superposeront plus tard la photographie, le relevé d’empreintes et bien sûr la recherche ADN. Une manière de réfléchir sur l’Etat et son fonctionnement, et bien sûr aussi, une «histoire de l’identité» qui interroge sur les lieux du pouvoir.

Citation:
Frédéric Sardet: compte rendu de: Vincent Denis: Une histoire de l’identité: France, 1715–1815. Seyssel, Champ Vallon, 2008. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 59 Nr. 2, 2009, p. 257-258.

Redaktion
Veröffentlicht am
24.01.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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